Annecy, habiter le lycée

Comment rendre les lycéens plus citoyens ?

Une « résidence » de la 27e Région :

Ce projet fait partie des premières expérimentations françaises en matière de design des politiques publiques. Sur le principe de la résidence artistique, nous avons passé 3 semaines (réparties sur 4 mois) en immersion au Lycée Gabriel Fauré à Annecy. L’expérimentation était financée à 50/50 par la Région Rhône-Alpes et la labo d’innovation publique La 27e Région dont nous sommes compagnons de route de la première heure.

Voulant concrétiser son slogan « Région citoyenne » dans toutes ses politiques, la Région Rhône-Alpes nous a demandé de travailler sur la citoyenneté des lycéens. Comment les préparer à devenir des citoyens de plein droit ? Comment dès aujourd’hui les rendre plus investis au sein de l’établissement et dans leur vie quotidienne ?

Toujours à la recherche de cas d’usage « extrêmes » et donc, révélateurs, nous avons nous avons travaillé au sein du lycée Gabriel Fauré, lycée de centre-ville à deux pas du lac d’Annecy où les lycéens étaient plus pressé de profiter des plaisirs alentours que de rester au sein de l’établissement.

En arrivant sur place, nous avons d’abord cherché à comprendre comment fonctionnait le lycée, comment y vivait les élèves, mais aussi les professeurs, le personnel… Souvent un bon dessin constitue l’occasion de provoquer la discussion et de se projeter vers des solutions possibles…

Dessin cartographique du lycée et de ses abords (© Jean-Sébastien Poncet)
Dessin cartographique du lycée et de ses connexions (© Jean-Sébastien Poncet)

Au fur et à mesure de la résidence, nous avons pu organiser des moments d’échanges plus construits, prototyper et tester des solutions comme par exemple d’un kit de « speed dating lycéen » permettant la rencontre et l’échange entre jeunes qui se croisent toute l’année mais ne se parlent pas, notamment entre sections différentes. La méconnaissance des élèves entre eux est en effet un problème important au sein du lycée, qui crée de la distance et empêche de se sentir partie prenante de la vie lycéenne. Par sa simplicité et tout ce qu’il connote (côté magique, un peu « marketé »), le kit est un outil attractif dont les CPE (Conseillers Principaux d’Education) et les surveillants peuvent facilement s’emparer pour donner l’occasion aux lycéens de se rencontrer et de créer du lien au-delà de leur groupe habituel d’amis.

Test du kit "Speed dating lycéen"
Test du kit « Speed dating lycéen »

Nous avons progressivement mis au jour qu’en matière d’éducation à la citoyenneté, il ne s’agissait pas tant de reproduire le fonctionnement démocratique centré sur le représentatif et l’organisation pyramidale (ce qui est fait avec l’élection de délégués, puis de représentants au Conseil d’Administration…) mais d’abord de se les approprier les lieux, se sentir partie prenante et faire l’expérience de l’altérité. En somme, pour se sentir citoyen, il faut d’abord habiter les lieux dans laquelle cette citoyenneté est censée s’exprimer.

Dès lors, la question de l’aménagement du foyer du lycée, bloqué depuis 3 ans et sur laquelle nous étions particulièrement attendus en tant que designers, n’est pas de savoir si les murs doivent être peints en vert, rouge ou jaune mais de penser les modalités de partage et d’appropriation de l’espace par tous ces utilisateurs. En lieu et place d’un projet d’architecture intérieure « classique », nous avons donc imaginé et proposer un système d’aménagement à même d’accompagner le renouvellement annuel des élèves : une grande colocation lycéenne.

Réunion avec des lycéens pour discuter l'avenir d'un lieu emblématique : le foyer.
Réunion avec des lycéens pour discuter l’avenir d’un lieu emblématique : le foyer.

Designer une colocation en lieu et place d’un foyer

Comme souvent en design de politiques publiques, il s’agissait plus de dessiner un sytème que de dessiner un objet. Le principe de grande colocation fonctionne comme suit.

Chaque classe se voit remettre un bon d’achat de 20 € par le FSE du lycée (qui possède déjà les fonds nécessaires) et peut l’utiliser dans un catalogue de mobilier / décoration / bricolage. Au bout de quinze jour, les commandes sont récupérées et la commande globale est passée. Aucun tri n’est fait et, comme dans une colocation, au gré de ce que chaque colocataire apporte avec lui, on peut se retrouver avec plus de tables que de chaises mais cela n’est pas un problème. Au contraire, c’est tout l’intérêt de la démarche !

Chaque année, le même procédé est répété. Le budget, déjà raisonnable, peut être revu à la baisse. Libre aux groupes qui le veulent de s’associer pour acheter plus gros ou plus concerté. Il s’agit de donner à tous les élèves
l’occasion de se sentir habitant de cet espace. Chacun amène “ son “ meuble, celui choisit par sa classe, et doit composer avec les choix des autres habitants. Bien sûr, la décoration n’est pas homogène, mais de tous les témoignages entendus, ce qui ressort en tout premier n’est pas le besoin d’un espace joli, c’est celui d’un espace de vie.

Le livret de synthèse de la démarche de design