Rennes, vers une citoyenneté augmentée

Quels pourraient être les usages d’un réseau social numérique public et local ?

En clair, ça ressemblerait à quoi un « Facebook orienté vers l’intérêt général » ?! Voilà la question qui nous a été posée en 2009 par la Région Bretagne et la 27e Région, laboratoire d’innovation publique. À Rennes, un réseau social local appelé « La Ruche » a en effet été lancé en 2008 par l’association Bug. Avec plus d’un millier d’inscrit, cette expérience inédite a fait beaucoup parler d’elle, sans pour autant décoller et sans que le positionnement de cet outil n’ait pu être bien défini. Comment préciser et amplifier son but et ses usages ?

Page d’accueil du réseau social la Ruche au moment de notre intervention

Sur un principe proche de la résidence artistique, Grrr a mené un travail de design en immersion, au sein de l’équipe de Bug, et s’est saisi de La Ruche comme d’un terrain d’expérimentation. Après une phase importante d’analyse des usages du réseau et de multiples propositions et tests de nouvelles fonctions, nous avons pu caractériser la Ruche comme un outil citoyen de revitalisation de la communauté locale et d’hybridation entre la vie rennaise « en ligne » et l’espace réel du territoire. De quoi poser les bases d’une « citoyenneté augmentée », documentée et précisée dans ce livret récapitulatif :

Livret « Rennes, vers une citoyenneté augmentée » (source : 27e Région)

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Impression de souvenirs sur les trottoirs de la ville

En cohérence avec le positionnement du réseau, nous avons proposé de nombreux scénarios allant du renforcement de l’existant à la création de nouvelles fonctionnalités : cartes personnelles du territoire, présence visible du réseau social dans la ville par voie d’affichage public ou dans le journal municipal, événements festifs estampillés « La Ruche »… Tout cela allait dans le sens d’un contenu « citoyen » à la fois informatif et sensible, où la porosité entre sphères intimes et sphère publique était assumée. Parmi ces propositions, l’impression d’extraits de souvenirs d’habitants sur les trottoirs, exactement là où ils avaient eu lieu, est un exemple emblématique.

Ces souvenirs, déjà présents sur le réseau social, avaient été collectés par une utilisatrice. Ils apparaissaient comme un véritable patrimoine. Le réseau pouvait-il valoriser ce contenu ? Y avait-il plus d’intérêt à le poster là plutôt que sur Facebook, Twitter ou autre ? Puisque l’institution publique est partenaire, nous avons imaginé que cela puisse devenir une forme d’animation du territoire : un appel à souvenir dont les meilleurs propositions sont imprimées en vrai sur le sol rennais. Avec l’aide des services de la Ville, nous avons prototypé l’impression de ces souvenirs au nettoyeur à haute-pression. Un lien renvoie sur le site du réseau social, créant ainsi une boucle vertueuse entre espace public réel et espace public virtuel.

Détail d'une impression de souvenir à même le sol.
Détail d’une impression de souvenir à même le sol.

La représentation du territoire, une grande question de design !

Autre constat et autre proposition : en me définissant par rapport à ma ville, mon territoire (et non pas par rapport à mon âge, mon sexe, mes amis…), je m’adresse d’emblée à tous les autres habitants. Dans ce sens, nous avons réalisé un prototypage rapide d’une idée de « profil personnel cartographique » que nous avons testé sous forme papier, notamment auprès d’une classe d’apprentissage du français et des membres d’une chorale.

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Test de "profil cartographique" par les membres d'une chorale

Nous avons aussi testé l’affichage papier « dans le réel » (dans les rues rennaises) de la page d’accueil du réseau social visible par tous, sans inscription. Alors que cela n’étonne personne devant l’écran, des passants se sont émus de pouvoir retrouver des infos relativement banales comme une date d’anniversaire associée à un pseudo, montrant ainsi une forte asymétrie entre les façons de vivre les espaces publics « réel » et « virtuel », et démontrant l’intérêt de ne pas les séparer artificiellement.

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Dans ces 2 cas, comme plus globalement pour l’ensemble du réseau social, la carte du territoire rennais s’est révélé être le média central du réseau. Déjà utilisée de façon importante sur le site, elle était remise en question par l’équipe au moment de notre intervention. Au contraire, nos recherches ont montré qu’il s’agissait là du seul élément incarnant le lien local entre le réseau et son territoire, la seule forme complètement raccord avec le fond, les objectifs du site. Dès lors, le design pouvait se préciser et se renforcer. Investir la représentation cartographique permet de faire vivre le territoire en ligne, comme il vit « en vrai » dans la rue, avec des gens qui file leur chemin, d’autres qui jouent, d’autres qui manifestent… On peut ainsi imaginer de nombreux usages. On peut aussi créer des « photographies cartographiques », comme autant d’instantanés relatant la ville en mouvement. C’est d’ailleurs le sujet d’une autre proposition ayant pour objet la publication régulière de la carte dans le magazine local. Augmenter le territoire passe très certainement par une amélioration des façons dont on se le représente…

Proposition de publication de la carte dans « Le rennais »